Au fil de l’histoire – Des lieux, des gens
Rédaction Marthe Lemery
Collaboration à la recherche Marie Josée Bourgeois
26 avril 2024
Depuis sa création en 1674 jusqu’à l’aube du XIXe siècle, la seigneurie peine à se développer. Entre en scène Joseph Papineau, notaire et député montréalais. À titre d’agent des terres, il gère depuis une dizaine d’années les propriétés du Séminaire de Québec dans les seigneuries de l’Île-Jésus et de la Petite-Nation. Il voit tout le potentiel de cette dernière. Car si le commerce des fourrures avec le Vieux Continent décline, un nouveau produit d’exportation monte en flèche : le bois. Et du bois, il y en a à revendre dans la Petite-Nation !
Pour la somme de 550 louis, Joseph achète en 1801 les deux cinquièmes de la seigneurie dans sa partie ouest (la région de Plaisance), et deux ans plus tard, toujours pour la même somme, il ajoute la partie est. Avec ce fief de quelque 600 kilomètres carrés, le patriarche Papineau devient l’un des plus grands propriétaires terriens du Bas-Canada. La seigneurie s’étend alors de Fassett à Plaisance, de la rivière des Outaouais à Notre-Dame-de-la-Paix.
Joseph Papineau se met aussitôt à la tâche. Il attire des bûcherons et des entrepreneurs forestiers, pour exploiter le potentiel des grandes forêts de pins, et des ouvriers pour construire son premier manoir. Surtout, il confie à son fils Denis-Benjamin la charge de veiller au peuplement de la seigneurie. C’est ce dernier, qui s’établira d’emblée dans la Petite-Nation, qui va donner l’impulsion menant au plein développement de la seigneurie.
En 1810, des actes de concession sont signés avec 19 colons, parmi lesquels figurent les trois premiers défricheurs, Joseph Thomas dit Tranchemontagne, Louis-Antoine Couillard dit Dupuis et Nicolas Kinseler. En 1813, 14 nouvelles concessions sont octroyées. Une trentaine de familles, c’est déjà la promesse d’une féconde « petite nation ».
3 – Plan de la seigneurie de la Petite Nation demeuré annexé à la minute d’un acte de concession par l’Hon. L. J. Papineau à L.J.A. Papineau passé ce jour devant les notaires soussignés et signé et paraphé au désir de la mention faite au dit acte. Arpenteur François-Joseph-V. Regnaud, 1857. BAnQ E21,S555,SS3,SSS4,P111.3.
Joseph se fait vieux. Il passe la main à son fils aîné, Louis-Joseph, avocat et député. La seigneurie est en plein essor. Bon an mal an, la population augmente, des côtes et montées commencent à quadriller le territoire, des embryons de paroisses se forment, des moulins à scie et à farine sont construits pour l’usage des censitaires sur la rivière de la Petite Nation et au cœur de Papineauville.
La seigneurie vivra son apogée sous le règne de Louis-Joseph, qui compte sur son frère cadet Denis-Benjamin pour être son intendant sur le terrain pendant que lui-même mène une carrière politique remplie de soubresauts. Mais cela est une autre histoire… C’est toutefois dans la quiétude retrouvée de son majestueux manoir seigneurial, sur le cap Bonsecours à Montebello, que s’éteindra en 1871 le dernier seigneur en titre de la Petite-Nation.
4 – Joseph Papineau L’Opinion publique, édition du 2 janvier 1873.
Dernier seigneur? Oui, car dès 1854, le parlement canadien vote une loi abolissant le régime seigneurial. Mais cela ne se fera pas du jour au lendemain, et les détenteurs de concessions (les censitaires) ainsi que leurs héritiers mettront parfois plus de cent ans à racheter les droits sur leur terre auprès des seigneurs et leurs héritiers.
Après l’administration seigneuriale, prendront le relais les administrations municipales pour gérer ce vaste territoire qui conserve, dans son nom même, à la fois l’héritage des Weskarinis et des Papineau.
Petit fait historique intéressant, notre seigneurie a vu le jour en Nouvelle-France en 1674, elle s’est retrouvée dans le Bas-Canada après 1791, est passée dans le Canada-Est en 1840 pour aboutir dans la province de Québec en 1867. Elle aura été la seule seigneurie à avoir été développée dans l’Outaouais et celle située la plus à l’ouest de l’ancien territoire de la Nouvelle-France.
5 – Denis-Benjamin Papineau, vers 1850
Wikimedia Commons.
6 – Chutes de Plaisance
photo Serge Roy, 2016.