Au fil de l’histoire – Nos drôles de gens
Rédaction Marthe Lemery
Collaboration à la recherche Marie Josée Bourgeois
26 août 2024
À l’approche de la Première Guerre mondiale, la population canadienne-française était sur les dents. De manière quasi généralisée, celle-ci était contre la conscription forcée pour aller défendre sur le vieux continent la « Mère patrie » – lire l’Angleterre, considérée au contraire comme un pouvoir colonial dans la Belle province. Dans le canton de Boileau-Ponsonby, le recenseur attitré lors du recensement fédéral de 1911, Oswald Coursolle, a trouvé un moyen infaillible pour empêcher les jeunes hommes d’être recrutés de force sous le drapeau de l’Union Jack. Il a en effet biffé tous les titres des occupations des jeunes hommes pour les remplacer par « fils de cultivateur », donc, futurs agriculteurs, une catégorie qui était exemptée de la conscription! Son astuce a fonctionné!
Illustration 70 – Affiche de recrutement pour l’armée, qui fait notamment appel au sentiment des Canadiens français envers la France pour tenter de les inciter à combattre sous le drapeau britannique. Musée canadien de la guerre, MCG 19750046-009
L’un des trésors patrimoniaux du canton est la petite église anglicane Saint-Thomas – on la surnomme affectueusement « la petite église blanche » – construite en 1877 pour desservir la communauté d’origine écossaise établie depuis la première moitié des années 1800 dans ce qu’on appelait à l’époque le hameau de Silver Creek, au nord de la rivière Outaouais, entre Masson et Thurso.
Après avoir cité l’église à titre d’immeuble patrimonial, la municipalité de Lochaber-Partie-Ouest y a fait dresser un panneau pour honorer « le dernier et le plus vieux bâtiment de l’ancien hameau de Silver Creek à avoir traversé le temps dans son intégralité sur le territoire du Canton ». Fait intéressant, la légende locale veut que l’église, constituée d’une seule pièce, soit considérée comme « salle paroissiale » jusqu’à ce que retentisse la cloche marquant le début d’un office religieux, auquel cas l’église devient « lieu de culte ». Après la bénédiction en fin de messe, la cloche sonnait de nouveau pour marquer le retour à la vocation « paroissiale » de la salle, et les fidèles en profitaient pour s’échanger les dernières nouvelles et parler des événements à venir.
L’église, toute pimpante, s’élève à l’intersection de la Montée du quatre et du rang 5 Ouest. Elle relève du diocèse anglican d’Ottawa et on y célèbre toujours quelques offices religieux par année.
Illustration 71 – L’église anglicane Saint-Thomas de Silver Creek, qui fête cette année ses 147 ans, est l’un des plus anciens immeubles de la MRC à avoir traversé le temps sans altérations architecturales majeures. Photo – Site Facebook St. Thomas’ Silver Creek.
L’histoire veut que le nom de la localité provienne de son « fondateur », Hercule Chéné, un marchand et agent des terres qui établit en 1864 un bureau de poste dans le canton de Hartwell, et qui deux ans plus tard, deviendra maire des Cantons-Unis de Ripon et Hartwell. Dès 1884, les habitants de cette partie du canton font référence au bureau de poste de « Chénéville », et une pétition en 1902, signée par Chéné et plus des deux tiers des habitants du village de Hartwell, demande et obtient que soit créée la nouvelle municipalité de Chénéville.
Contre toute attente, Hercule Chéné ne sera jamais maire de « sa » municipalité. Lors du vote tenu par les conseillers en 1903 pour élire le premier magistrat, c’est son rival Hygin Locas, marchand comme lui (et maître chantre de la paroisse durant plus de trente ans), qui l’emportera. Dépité par sa défaite, Hercule Chéné ne remettra plus jamais les pieds à l’hôtel de ville et mourra l’année suivante, à l’âge de 69 ans.
Illustration 72 – Hôtel de ville de Chénéville vers 1925. Photo Club de l’âge d’or de Chénéville, sur le site de la Municipalité de Chénéville – Qui sommes-nous?
Cette municipalité située à la limite nord de notre MRC revendique un statut unique au Québec. Elle est en effet la seule localité à jouir sur son territoire de la présence de deux établissements de la SÉPAQ : la Réserve faunique Papineau-Labelle, qui est la réserve la plus au sud de la province, et le Centre touristique de Lac-Simon! L’un et l’autre sont renommés à la grandeur de la province parmi les amateurs de plein air et de villégiature.
Illustration 73 – La plage du Centre touristique du lac Simon, un établissement de la Sépaq fort populaire à Duhamel. Photo Mathieu Dupuis, © Sépaq
Dans son Histoire de Montebello 1929-2003, publiée en 2003 par la Société historique Louis-Joseph Papineau, l’auteur Yves Michel Allard rapporte une anecdote savoureuse à propos d’un lot du cimetière du village, que lui a racontée Jean R. Bissonnette, premier président du Comité du cimetière, créé en 1977. « Un Montebellois, circulant sur la voie ferrée qui longe le cimetière, s’aperçoit que la terre a été manipulée sur son lot. Il se rend compte qu’une personne y a été inhumée sans sa permission. » Le Comité du cimetière nouvellement formé mène une enquête, et finit par découvrir l’identité́ de la personne inhumée, une dame ayant vécu à Toronto. « Un branle-bas de combat s’engage entre le propriétaire du lot et le fils de la défunte », écrit-il. Il appert que la faute était imputable au curé de l’époque, qui s’était trompé de lot au moment de l’enterrement. Le fils de la dame devenue « squatter » malgré elle a plaidé sa cause, demandant s’il était possible de la laisser enterrée là où elle était, car elle avait passé sa vie entière à déménager. Le fils disait espérer que ce lieu de repos soit son dernier et qu’on ne lui fasse pas l’affront, même dans la mort, de la déménager une fois de plus! Grâce à l’intervention du Comité du cimetière, il semble que le vœu du fils (et de sa mère) ait été exaucé. »
Illustration 74 – Vue du cimetière de Montebello. Photo Benoit Aubry, Ottawa. Dans Yves Michel Allard, Histoire de Montebello 1929-2003, Société historique Louis-Joseph Papineau, Éditions Transcontinental Gagné, 2003, p. 251.
La maison située au 64 de la rue Principale, à Fassett, attire forcément le regard, avec son revêtement de pierre de taille bosselée grise, semblable à celui de l’église Saint-Fidèle qu’elle jouxte. De là à voir cette résidence comme le presbytère, il n’y a qu’un pas… que tout un chacun franchit allègrement. Erreur! Construite pour Pierre Huneault, un natif de Lefaivre, de l’autre côté de la rivière, qui sera maire de Fassett de 1921 à 1924, cette propriété était sa résidence privée, érigée en 1916. Un an plus tard débutait la construction de l’église, qui sera inaugurée en 1919. Pierre et son épouse Odile Bourdon sont les parents de Pierre Huneault fils, qui sera ordonné prêtre à Ottawa le 12 janvier 1919, et qui sera vicaire puis curé dans diverses paroisses du diocèse d’Ottawa, y compris à Montebello et à Plaisance. Lors de ses visites à ses parents, l’abbé Huneault avait l’habitude de lire son bréviaire en marchant de long en large sur la galerie ouverte, par beau temps, ce qui a sans doute contribué à renforcer la méprise. Le véritable presbytère, une ancienne propriété privée achetée en 1913, un peu en biais avec l’église, sur les bords de la rivière des Outaouais.
Illustration 75 – Vue de la résidence construite initialement pour Pierre Huneault au 64 de la rue Principale, à Fassett, qu’il est facile de prendre pour l’ancien presbytère de la paroisse Saint-Fidèle, vu qu’elle s’élève à côté de l’église… Photo Google Maps.
Illustration 76 – Le fait que l’abbé Pierre Huneault fils était souvent vu lisant son bréviaire en arpentant la galerie de long en large lorsqu’il rendait visite à ses parents a contribué à consolider la méprise quant au « presbytère » de Fassett. On trouve Pierre Huneault dans une photo prise le 27 août 1939 sur le parvis de l’église de Lefaivre (presque en face de Fassett, sur la rive ontarienne) lors d’une visite de Monseigneur Joseph Charbonneau. De gauche à droite,1re rangée : Chanoine Gascon, Mgr Joseph Charbonneau, Chanoine Lalonde; 2e rangée (tous des curés nés à Lefaivre) : Hermas Laniel, Dalma Brisebois, Félicien Bricault, Pierre Huneault, Raoul Préseault, Ephrem Thivierge, Ernest Préseault, Acille Gratton et Elias Lajoie. Photo E. Laurent, sur le site Prescott-Russell numérique.