Au fil de l’histoire – Des lieux, des gens
Rédaction Marie Josée Bourgeois
Collaboration à la recherche Marthe Lemery
29 mai 2024
La seigneurie de la Petite Nation a eu la chance d’avoir comme seigneurs et entrepreneurs des gens lettrés, instruits, qui ont entretenu une volumineuse correspondance, laquelle nous sert aujourd’hui de fabuleuse documentation sur le développement de la seigneurie et du village de Montebello.
Bien qu’il ait été propriétaire de la seigneurie depuis 1817, ce n’est qu’à son retour d’exil en France que le seigneur Louis-Joseph Papineau bâtit son manoir seigneurial et se lance dans l’aménagement du village. Nous sommes en 1855. Les concessions augmentent et plus de 400 familles sont établies sur le territoire. Quelque 200 autres suivront jusqu’en 1859. Il lui faudra rapidement ouvrir des rangs et tracer les rues d’un village. Il entreprendra ces travaux alors qu’il approche les 70 ans.
Louis-Joseph écrira en mai 1856 à son vieil ami Robert Christie (1787-1856), un avocat, milicien et politicien comme lui, « Je me suis fait arpenteur ». Il aurait tout aussi pu dire architecte paysagiste. Le village, tel qu’il le conçoit, prendra fière allure avec ses rues larges bordées d’arbres.
Le mois précédent, il avait déjà fait part de son plan pour tracer et ornementer les rues de Montebello dans une correspondance. « Je vais commencer aujourd’hui la distribution du village, et à faire des trous pour planter des ormes dans la rue des Ormes, des érables dans la rue des Érables, des tilleuls dans la rue du Bois-blanc. Trois rues de 60 pieds de large courant de l’est à l’ouest. Elles seront coupées du nord au sud par des rues de 50 pieds, rues des Pins, des Sapins, des Sapinettes [cèdres]. Voilà pour la portion distribuée au nord du chemin, sur la terre de Grant. Ça forme six parallélogrammes entourés de rues contenant chacun, les uns 14, les autres 12 emplacements. Quatre-vingt-dix en tout. »
Illustrations 26 – Rue des Ormes à Montebello, au début des années 1900. La rue des Ormes changera de nom en 1917 pour devenir la rue Notre-Dame. Photo tirée du site Le monde en images, succession de Pierre François Beaudry.
C’est l’orme d’Amérique qu’il choisira pour orner le grand chemin, l’artère principale, cet arbre majestueux dont la présence apportera une touche d’élégance à l’entrée de l’allée seigneuriale et, tel un immense parasol, de la fraîcheur aux passants et aux bâtiments du centre du village lors des grandes chaleurs estivales. Pour son allée privée, il plantera des marronniers.
Dans une lettre à l’hospice de Lyon, en décembre 1862, où est mort son fils Lactance, Louis-Joseph écrira : « Si, dans les pépinières de Lyon, il y avait des ormes d’Amérique, le plus beau de nos arbres forestiers au goût de Lactance et du mien, j’aimerais que l’un d’eux à branches retombantes fût planté et crût sur le milieu de sa tombe. »
Il n’y a plus de rue des Ormes à Montebello, il n’y a plus d’ormes sur la rue principale, pas plus que sur la tombe de Lactance à Lyon. Ils sont disparus, atteints sans doute par la maladie hollandaise propagée par un scolyte de l’orme, maladie arrivée au Canada en provenance d’Europe en 1944. Certains ont survécu çà et là dans la MRC, de même que dans la ville de Québec qui en a fait son emblème.
Illustration 27 – Photo du centre du village, prise avant le grand incendie de 1913 qui en a ravagé la moitié. Photo Société historique Louis-Joseph-Papineau.
Si vous passez dans le village, vous verrez au coin des rues les anciens noms sur des panneaux bleus. Ils ont été installés en 2021 par la Société historique Louis-Joseph Papineau à l’occasion du 150e anniversaire de la mort de l’honorable Louis-Joseph Papineau.
Illustration 28 – Photo prise après 1915. L’on aperçoit à gauche l’hôtel Commercial, face au magasin d’Oscar Quesnel, qui construira en 1915 l’élégant manoir que l’on voit à l’arrière-plan à droite. Photo Société historique Louis-Joseph Papineau.